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Homélie de Mgr de Dinechin Liesse Lundi de Pentecôte

Fête de Notre-Dame de Liesse

Lundi de Pentecôte 2020

Homélie de Monseigneur Renauld de Dinechin

(texte servant de base à l'homélie)

 1er juin 2020

 

Ce lundi de pentecôte, je commence par une parabole. Pourquoi ?

 

En raison du contraste dans notre région entre la si belle campagne, ses céréales et ses labours et ses si belles cathédrales, et la souffrance d’un peuple et les forces destructrices qui y œuvrent.

 

Qui d’entre vous s’est déjà trouvé sec ? Intérieurement sec. Pas de sentiments dans la prière. Pas d’émotion pour le Seigneur. Sec. Comme une bûche. Je vous propose d’aller chercher l’Esprit Saint là où on ne l’attend pas forcément.

 

Tiens, ça va aussi rendre service à ceux d’entre vous qui ont eu une phase de progrès dans la foi (dans la prière, dans la relation au Christ…) et qui constatent qu’aujourd’hui, ce n’est plus ça. Ça va plus mal qu’avant. Je pensais être libéré de tel défaut, voilà qu’il revient.

 

Saint-Jean de la Croix : image du feu qui agit sur le bois

« La connaissance purificatrice et amoureuse, ou lumière divine dont nous parlons, purifie l’âme et la dispose à se l’unir parfaitement, comme le feu agit sur le bois pour le transformer en soi. Le feu matériel, appliqué au bois, commence tout d’abord par le dessécher ; il en expulse l’humidité, et lui fait pleurer toute sa sève. Aussitôt il commence par le rendre peu à peu noir, obscur, vilain ; il lui fait répandre même une mauvaise odeur ; il le dessèche insensiblement ; il en tire et manifeste tous les éléments grossiers et cachés qui sont opposés à l’action du feu. Finalement quand il commence à l’enflammer à l’extérieur et à l’échauffer, il le transforme en lui-même et le rend aussi brillant que le feu. En cet état, le bois n’a plus l’action ni les propriétés du bois ; il n’en conserve que la quantité et la pesanteur qui est bien plus grande que celles du feu ; car il a déjà en lui les propriétés et les forces actives du feu. Il est sec et il dessèche ; il est chaud et il réchauffe ; il est lumineux et il répand la clarté ; il est beaucoup plus léger qu’avant ; et c’est le feu qui lui a communiqué ses propriétés et ses effets ». (JVVD, p. 901).

 

Le feu. Quatre qualités.

1.       Brûle. Consume. Purifie.

2.       Éclaire.

3.       Réchauffe.

4.       Se propage

 

Dieu est-il présent dans les évènements que nous vivons actuellement ? Que le COVID ait une origine biologique, c’est certain. Est-ce pour autant le fait de forces occultes, pour le théologien, il est difficile de l’affirmer, même si nous voyons les effets destructeurs de la pandémie.

 

Force est de reconnaître que si Dieu ne consentait pas à ce que le monde soit malmené par le COVID 19, il pourrait y mettre un terme sur le champ, et que, si ce n’est pas le cas, s’il continue à se répandre, c’est que Dieu s’en sert comme moyen pour convaincre les humains de changer de conduite : stimuler la générosité des hommes les uns à l’égard des autres et à son égard. C’est ce qu’il fait tout au long de l’histoire biblique.

 

Nous ne pouvons avoir la certitude que Dieu s’exprime directement à travers ces évènements, mais au moins, indirectement : tant d’hommes et de femmes se sont mis à s’occuper de leur voisin. Ont ouvert leur conscience à un questionnement nouveau. Ont pris des habitudes de vie nouvelles. A travers ces évènements, un questionnement nouveau est apparu, des solidarités nouvelles ont vu le jour, une conscience nouvelle émerge… Cela prendra-t-il racine pour un renouveau durable, ou bien cela s’éteindra-t-il comme un feu de paille. Telle est la question que nous portons ce matin à la Vierge de Liesse.

 

Nous venons aujourd’hui en pèlerins auprès de ND de Liesse. Nous faisons mémoire des pèlerins des générations qui se sont succédés durant les siècles passés pour confier à Marie leurs souffrances, puis lui rendre grâce pour sa proximité et sa prévenance.

ND de Liesse Thieulloy. Le Père Gazée (Pia Hilaria) : « Pas une peste, pas un fléau, pas une maladie n’ose soutenir le regard de la Vierge de Liesse ». De quoi s’agit-il : osons confier au regard de Marie les souffrances les plus profondes de notre société, spécialement de notre terroir de Picardie.

 

Marie intérieure

« Marie retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur »

 

Avec Edith, progresser dans l’évangélisation

La doctrine d’Edith Stein éclaire l’apôtre dans sa relation au monde. Car elle explicite son attitude intérieure.

Elle a une réelle empathie pour le monde dans lequel elle vit et dans lequel elle s’est beaucoup investie. Au moment de sa conversion, son premier réflexe fut de s’éloigner du monde. Elle va se reprendre ensuite comme en témoigne l’évolution de sa relation au monde : « A l’époque qui précéda immédiatement ma conversion, et durant toute une période ensuite, j’ai pensé que vivre la religion signifiait faire abstraction de tout ce qui est terrestre pour ne vivre qu’en pensant aux choses de Dieu. Mais j’ai progressivement compris qu’il nous est demandé autre chose en ce monde et que, même dans la vie la plus contemplative, on n’a pas le droit de couper la relation avec le monde ; je crois même que plus on est attiré profondément en Dieu et plus il faut aussi, en ce sens, ‘sortir de soi’, c'est-à-dire aller vers le monde pour y porter la vie divine[1] ».

 

Avec Edith Stein, le rapport au monde n’est pas un rapport d’extériorité où elle se sentirait hors du monde, c’est à dire contemplant un monde qui lui serait extérieur et y portant des jugements en le regardant du haut. Je crois qu’on ne se trompe pas en disant que, pour Edith Stein, le contemplatif, ce n’est pas celui qui regarde le monde de l’extérieur, ce n’est même pas celui qui contemple passivement les évènements du monde ; le contemplatif est celui qui écoute dans son cœur la résonance, l’écho des évènements du monde. Seul l’accès à son intériorité profonde donne à la personne la clé de sa place dans le monde : « L’homme est appelé à vivre en son for intérieur et à se prendre lui-même par la main, ce qui n’est possible qu’en ce lieu [le noyau de l’âme]. C’est aussi seulement de là qu’est possible une vraie discussion avec le monde ; de là seulement il peut enfin trouver la place qui lui est réservée dans le monde[2]. »

 

Les confirmands de 2020

Faire mémoire des 250 confirmands de cette année

  

Prière à Notre-Dame de Liesse, pour le déconfinement[3]

Vierge Marie, avec Joseph et votre fils Jésus,

vous êtes revenus d’Egypte après la mort d’Hérode.

Avec Joseph vous avez du réfléchir à votre lieu d’habitation

pour mettre Jésus en sécurité et ce fut Nazareth pendant 30 ans.

 

Nous venons nous confier à vous,

alors que nous commençons à sortir du confinement.

Nous aussi, parents, enfants,

enseignants, soignants, malades,

commerçants, entrepreneurs,

responsables économiques et politiques,

nous avons à réfléchir et à décider

pour prendre soin des uns et des autres,

vivre notre quotidien ,

et pour construire l’avenir.

 

Eclairez-nous de votre Sagesse ;

fortifiez-nous de votre tendresse,

soutenez-nous de votre confiance,

vous que nous aimons appeler,

ici, Notre-Dame de Liesse,

Cause de notre joie.

Priez pour nous.

 



[1] Lettre du 12 février 1928 à sœur Callista Kopf, op (ESGA 2, p. 86) cité par Sr Cécile.

[2] Edith Stein, Die ontische Struktur der Person, in Werke, t. VI, p. 160.

[3] Abbé Henri Gandon, Liesse, 2020.