Lieu de pèlerinage (page en cours de construction)


Le 1er sanctuaire

D'après les documents anciens, le premier sanctuaire de Liesse aurait été construit par le pieux Barthélemy de Vir, avec les pierres qui n'avaient pas trouvé d'emploi dans la cathédrale de Laon, bâtie sur la colline avoisinante. Cet évêque bénit l'emplacement de la chapelle et donna aux bâtisseurs "une somme d'argent considérable". Le sanctuaire terminé, lui-même le consacra et l'inaugura avec une solennité extraordinaire. On peut dire qu'il fraya ce jour-là le chemin aux saints, aux rois, aux peuples qui jusqu'à nos jours devaient s'agenouiller aux pieds de Notre-Dame de Liesse.

 

La construction du sanctuaire sur le terrain de la paroisse de Marchais, dut avoir lieu quelques années après le miracle. La Vierge se chargea d'attirer vers elle par ses bienfaits.

Le miracle du pendu dépendu

Miracle représenté sur un tableau de la sacristie de la basilique
Miracle représenté sur un tableau de la sacristie de la basilique

L'an 1139 est la date du premier miracle connu.

Un malheureux, Pierre de Fourcy, en proie à la misère, avait volé pour nourrir sa famille. Pris en flagrant délit, il fut arrêté et condamné à être pendu. Le voleur conduit au lieu de supplice invoqua Notre-Dame de Liesse, puis courageusement accepta la punition de sa faute et s'abandonna aux bourreaux. Ceux-ci lui passèrent la corde au cou et l'abandonnèrent.

A trois jours de là, oui, trois jours ! un berger gardant ses moutons dans les parages entendit des gémissements. Intrigué, il se dirigea vers l'endroit d'où venait la voix. Oh ! stupeur. La victime vivait encore. Vite le berger coupa la corde et en hâte avertit le prévôt. Une fois sur les lieux, celui-ci apprit de la bouche du condamné ce qui s'était passé : "J'ai demandé à Notre-Dame de Liesse qu'il lui plut de me délivrer. De sa main elle a soutenu mon cou, et a empêché la corde de me serrer."

 

 

On devine ce qu'une pareille miséricorde de la part de la Vierge la fit aimer des pécheurs et des malheureux.

L'odieu voleur d'enfants

Durant le printemps de 1146, deux jeunes princes, fils d'Enguerrand II jouaient dans un parc, sous l'œil de leur précepteur. Vinrent à passer des joueurs ambulants, vêtus comme des bohêmes de couleurs criardes et chargés de tout un attirail de foire. Avec l'audace et la désinvolture des gens qui exercent ce métier, ils affirmaient aux badauds les choses les plus stupéfiantes, et accompagnaient leurs paroles de faits et gestes amusants, ils marchaient sur leurs mains, faisaient des pirouettes, et les enfants amusés battaient des mains et criaient de joie. L'un des saltimbanques se tourna vers ces mignons petits princes, si vivants, si aimables. Il sortit de son fourbi une boule d'argent : "Oh ! la merveille des merveilles, cria t-il. Voyez cette belle boule qui brille au Soleil. Elle ressemble à la fortune. Elle court d'elle-même si vite que nul ne peut l'attraper." Et, ce disant, il lance avec force la boule devant lui et court comme pour l'attraper. Les petits garçons excités courent avec lui. C'était tout ce que désirait ce voleur d'enfants. La boule roulait devant eux à toute allure, le précepteur ne put suivre ses élèves. Les petits princes couraient toujours avec les jongleurs et bientôt tous disparurent dans l'épaisseur d'un fourré.

Le précepteur, comme les badauds, crut à un jeu et attendit les enfants...Vainement ! Alors, effrayé, appelant au secours, l'infortuné avertit les parents, alerta la justice. Bientôt, tout le monde fut sur pieds. On organisa une battue dans le bois voisin, on envoya des émissaires dans toutes les directions, rien n'y fit. Pages, vassaux, serviteurs, prévôts, perdirent tout espoir.

Mais une mère ne perd jamais espoir. En proie à la plus vive douleur, Agnès de Beaugency supplia Notre Dame de Liesse : "O vous, disait-elle, qui avait retiré de la prison d'Egypte les trois chevaliers et les avez ramenés sains et saufs à leur mère, daignez, je vous en conjure, me rendre mes enfants. O vous qui avez eu l'angoisse de perdre votre Enfant à Jérusalem, mais qui l'avez retrouvé, ayez pitié de moi."

Pendant ce temps, Louis VII faisait le tour de son royaume, recrutant des seigneurs pour la croisade, prêchée par saint Bernard. Il apprit l'épreuve de sa cousine Agnès de Beaugency et fut très attristé. Avec Enguerrand et Agnès, il chercha les moyens de retrouver les enfants volés, accompagné du père, le monarque fit un pèlerinage au sanctuaire à cette intention. Le comte promit à la Sainte Vierge de s'engager comme croisé à la défense de Jérusalem si ses enfants lui étaient rendus.

 

Il fut exaucé. Malheureusement on ignore les circonstances de cet épisode, mais on sait que cette nouvelle manifestation de la bonté de Notre Dame entraîna vers Elle un grand nombre de pèlerins et donna à Liesse un renom plus célèbre encore.

La confrérie de Notre-Dame de Liesse

Quand fut-elle érigée ? On l'ignore. On sait toutefois qu'en 1407 Reims eut aussi sa confrérie de Notre Dame de Liesse. Puis Paris en 1413 (Une succursale de la Confrérie sera établie en 1645 dans l'église paroissiale de saint Sulpice, tant les inscriptions deviendront nombreuses, et aussi à Rouen, à Evreux. Paris au XVII° siècle eut trois confréries.).

Charles VI la fonda en l'église du Saint-Esprit en grèves ( Voisine de la paroisse de Grêve (actuellement place de l'Hôtel de Ville) et, avec son épouse Isabeau de Bavières et leur fils, le futur Charles VII, il s'inscrivit dans la confrérie. Aussi devaient faire dans la suite plusieurs rois et reines, princes et princesses et le Cardinal Richelieu.

Le peuple ne fut pas en retard. C'est à qui voulait être "confrère" ou "consœur".

Le conseil de l'Association se dit : "Cette invasion va nuire à la ferveur. Mieux vaudrait un nombre de confrères plus réduit mais plus saint". Et il eut l'idée, pour le moins déroutante, d'obliger chaque nouvel inscrit à offrir un festin aux autres associés.

Cette décision ne dut pas plaire à la Sainte Vierge qui aime tant les pauvres gens.

Qui fut mécontent ? Les malheureux bien sûr. Avaient-ils le moyen d'offrir un banquet, eux qui souvent avaient à peine de quoi se mettre sous la dent ? Furieux, ils surnommèrent la confrérie, désormais interdite pour eux, "la confrérie des Goulus".

 

Heureusement, cette regrettable clause tomba d'elle-même eu à peu, et dès le XVII° siècle il n'en fut plus question.

Les saints personnages venus à Liesse

Ils sont innombrables. Nous n'en citerons que quelques-uns.

Après de longues prières à Notre Dame de Liesse, une petite fille avait été accordée à ses parents en 1572. Sa maman reconnaissante l'habillait toujours en blanc en l'honneur de la Sainte Vierge. Quand la fillette eut sept ans, la mère lui mit sa plus jolie robe, l'amena à Liesse, la consacra à Notre Dame. Après quoi la robe fut donnée aux pauvres. Cette enfant devait devenir l'illustre Madame Acarie, plus tard Marie de l'Incarnation, carmélite béatifiée par Pie VI en 1791.

Après cette petite fille, nommons un petit garçon, Henri Bourbon, Né à La Fère en 1624, il eut comme marraine la sœur de Louis XIII, Henriette d'Angleterre. Ses parents voulurent que sa première sortie soit pour Notre Dame de Liesse. On l'y conduisit en grand apparat, et cet enfant devint l'un des meilleurs serviteurs de la Sainte Vierge. Archidiacre de la cathédrale d'Evreux, son tombeau fut visité par un nombre prodigieux de fidèles. L'Eglise l'a déclaré vénérable.

Un jeune breton, Pierre de Kériolet, ne songeait qu'à rire et s'amuser. La Sainte Vierge aime les gens joyeux, mais à condition qu'ils vivent bien. Or Pierre Vivait mal, très mal. Chose curieuse, au milieu de ses désordres il ne manquait jamais de réciter chaque jour un AVE MARIA.

Il avait résolu de se faire mahométan. C'est une religion très commode, en effet. Alors, pour accomplir son dessein, il se rendait à Constantinople, il traversa une forêt. Des brigands tuèrent ses deux compagnons. Pris de peur, il fit vœu à Notre dame de Liesse, si elle l'épargnait, d'aller en pèlerinage dans son sanctuaire. Cela ne faisait pas l'affaire du démon qui un jour cria par la bouche d'un possédé :

" En voilà un qui est perdu pour nous. Je me vengerai. Ah ! tu as résolu d'aller à Liesse ! Vas-y donc, mais tu n'es pas au bout de tes peines".

Le pauvre pécheur, atterré, brava les menaces du démon et s'en vint à Liesse le 7 janvier 1636. Il eut en voyage, toutes sortes d'aventures désagréables : on lui refusa à manger, on ne voulut pas le loger, il dut passer la nuit dans un cimetière ! Le lendemain, épuisé, mais l'âme vaillante, il se dirigea vers Liesse. Des sentinelles l'arrêtèrent comme espion, le menèrent en prison, il fut soumis à des interrogatoires pénibles. Enfin, protégé par la Sainte Vierge, on lui rendit la liberté. D'un bond, il accourut à Liesse et, se prosternant aux pieds de la Mère de miséricorde, demanda pardon de ses fautes. Pierre se convertit si bien, que plus tard, il devint prêtre, et un saint prêtre. Ses péchés lui avaient ôté tout orgueil. Comme le publicain de l'Évangile, il passait de longs moments prosterné sur le pavé de la chapelle, pleurant sa vie coupable. Il aurait voulu parfois passer la nuit dans ce sanctuaire tout seul à prier Dieu et la Madone, dont il ne se séparait qu'avec peine. Mais le sacristain ne le lui permit jamais.

Ce bienheureux pénitent mourut en odeur de sainteté à l'âge de 58 ans, au couvent des Carmes de Sainte-Anne-d'Auray.

Citons encore le vénérable M. Olier, fondateur de saint Sulpice. Plus que tout, il aimait faire de fréquents pèlerinages à Liesse. Il cheminait à pieds avec ses serviteurs, chantant des cantiques le long de la route. En 1632, il vint recommander à Notre Dame de Liesse le succès d'un sermon qu'il devait donner à Paris le jour de l'Assomption. Voilà qu'au beau milieu de son discours, il s'arrête net, ne se souvenant plus de ce qu'il voulait dire. Or, il arriva cette chose surprenante : personne parmi les auditeurs ne s'aperçut de son trouble et de cet arrêt. Bientôt, le prédicateur se mit à parler de l'abondance de son cœur, au fur et à mesure que les idées lui venaient. Et il se trouva, c'est lui-même qui le raconte, qu'il dit, sans y songer et sans s'en souvenir, tout ce qu'il avait préparé.

D'après les chroniques de saint Benoît Labre, le mendiant pénitent, serait aussi allé à Liesse vers 1770. "Sa présence aurait été signalée par des circonstances exceptionnelles et merveilleuses. La Sainte Vierge s'y serait servie de lui pour déjouer un affreux complot qui allait dévaster le sanctuaire et détruire la statue miraculeuse."

 

Un jeune profès de la Compagnie de Jésus, le P. Picot de Clorivière, ne pouvait être admis au sacerdoce à cause d'un bégaiement très prononcé. Il vint de Liège à Liesse à pied, supplier Notre Dame de lui permettre d'être prêtre. A sa grande joie, il fut suffisamment guéri pour recevoir le sacrement de l'Ordre.

L'éblouissant défilé des rois, des reines,des princes, des princesses...

On se souvient que Louis VII vint à Liesse lorsqu'il recruta les croisés, au début même du pèlerinage.

Selon les historiens, ce fut surtout au XV° siècle que commencèrent les pèlerinages royaux. Charles VI y vint en 1414 (1). Puis Charles VII plus tard vint supplier la Vierge de sauver le Royaume, livré presque entièrement à l'Anglais envahisseur. Jeanne d'Arc ne fut-elle pas, un peu plus tard, la réponse de Marie ?

Louis XI vint à Liesse quatre fois, il y fonda une messe perpétuelle chaque samedi. A propos de ce roi, on raconte une histoire touchante révélée par un fort vieux document. Louis XI se trouvait aux environs de Castres, un bourgeois audacieux osa lui dire : "Roi folâtre, tu ruines le pays..." et d'autres aménités de ce genre qui n'étaient pas pour réjouir le prince et lui donner bon renom dans la contrée. L'impertinent méritait un rude châtiment et Louis XI s'apprêtait à lui donner, lorsque la pensée de Notre Dame de Liesse se présenta à son esprit. La Mère de miséricorde serait-elle son avocate à lui-même, pauvre pécheur, s'il ne pardonnait à son ennemi ? Le roi appela le bourgeois et lui dit :

  - Tu n'ignores pas ce que tu mérites. Tu as eu la langue trop longue. Je consens à te pardonner cette fois, mais à une condition.

  - Laquelle ?

  - C'est que tu ailles à Liesse en réparation de ta faute et que tu y fasses dire une messe.

  Le bavard trouva la pénitence bien douce... et sans doute l'exécuta-t-il avec grande joie.

  Louis XI craignait beaucoup la mort. S'il eût mieux fait de la préparer par une bonne vie, au moins sa confiance en Marie lui mérita de mourir paisiblement entre les bras de saint François de Paul en disant "Notre Dame, aidez-moi."

 

 

16. La chaussée de Marie de Médicis (début du XVI°siècle)

 

  Pour se rendre à Liesse, le pays n'était pas plaisant à traverser : des forêts touffues dans lesquelles on s'égarait, des marécages dans lesquels on s'embourbait. La mauvaise saison rendait les chemins impraticables. La charitable princesse Marie de Médicis, mère de Louis XIII, se dit : "Certainement, s'il y avait une route convenable, cela faciliterait les pèlerinages, surtout aux vieillards et aux infirmes.

  Aussitôt pensé, aussitôt exécuté. Une large chaussée fut construite de Laon à Liesse, "avec de nombreux ponts pour l'écoulement des eaux". Et les pèlerins vinrent de plus belle. Si bien que le Cardinal de Lorraine, installé dans son château de Marchais, le transforma en une sorte d'hôtellerie royale pour recevoir les personnages de marque. Alors, continua le défilé des têtes couronnées.

  François 1er, le roi qui avait perdu fors l'honneur, prisonnier de Charles Quint à Pavie, supplia Notre Dame de Liesse de lui rendre la liberté. Aussitôt délivré, il se rendit en toute diligence au sanctuaire pour remercier sa Céleste Consolatrice, Cause de toute joie. Il y revint aussi plus tard.

  Henri II, mari de Catherine de Médicis, vint à Liesse avec ses trois fils en 1554. Et que d'autres ! Quant au passage de Louis XIII, la chapelle en garde le souvenir très précis. On sait que ce roi n'ayant pas d'héritier conjurait le ciel de lui en donner. Anne d'Autriche surtout était navrée. Persévéramment les deux époux se rendirent à plusieurs sanctuaires consacrés à la Sainte Vierge, ils vinrent aussi à Liesse, où, par manière de supplication, le roi donna au chapitre un sac d'or pour bâtir la sacristie, appelée de nos jours encore, la sacristie de Louis XIII.

  Après la naissance de Louis XIV, 23 ans après le mariage des époux royaux, le monarque reconnaissant revint à Liesse.

  Une grande toile, don du roi, pieusement conservée dans la Basilique, représente le roi et la reine à genoux, mains jointes dans l'attitude de suppliants, au-dessus, la naissance de Jésus. (NDLR En fait, le tableau actuel, du peintre Vignon, représente une autre famille noble. )

  Combien de mères ont demandé un enfant à Notre Dame de Liesse et l'ont obtenu ! Louis XIV vint dans ce vénéré sanctuaire "sans pompe ni éclat" en 1652, puis en 1678, en 1680. Dans ce dernier voyage, l'ingénieur La Pointe, qui faisait partie de la suite royale, avait reçu l'ordre de relever les plans des villes traversées. C'est ainsi que nous avons l'itinéraire certain de ce voyage. La magnificence du cortège fut sans égale. Louis XIV fut le dernier des rois pèlerins.

  Les rois en pèlerinage observaient tout un cérémonial, une sorte de liturgie, si l'on peut dire. Leur présence apportait au peuple une grande joie. Le parcours que suivait le cortège était pavoisé, les gens criaient : "Hosanna", les princes à cheval étaient escortés d'archers portant hauts chapeaux et hallebardes. Le peuple revêtait ses plus beaux atours. On suivait la cour, on s'écrasait dans la chapelle et aux abords. Le roi entendait la messe, puis montait au jubé. Il récitait à haute voix une prière dans le genre de celle que fit Salomon à la dédicace du temple de Jérusalem. Il suppliait Dieu d'accorder une prospérité constante au royaume de France, à la famille royale, au peuple entier, dans l'intérêt de sa gloire et pour l'honneur de son nom. Puis se tournant vers Marie, il lui demandait son aimable et puissante intercession. Quand le roi avait fini de parler, toute l'assistance, fidèles, seigneurs, prêtres s'écriaient : "Qu'il en soit ainsi ! qu'il en soit ainsi !"

 

 

17. Le navire d'argent

 

  Voici une histoire touchante, Bossuet nous l'a racontée.

  Henriette de France (sœur de Louis XIII) aimait beaucoup Notre Dame de Liesse. En 1642, rentrant d'Angleterre, une tempête effroyable mit en péril les passagers. Les matelots n'ont pas facilement peur. Cependant, devant la violence de la tempête, quelques-uns, pris de panique, devinrent fous et se jetèrent à la mer.

  La vaillante reine allait d'un passager à un autre, essayant de les rassurer : "Priez Notre Dame de Liesse, elle vous sauvera."

  Son calme réconfortait les infortunés : "pourquoi trembler ? Ne savez-vous pas que les reines ne se noient pas. Et donc, vous qui êtes avec moi ne devez rien craindre."

  Le vent s'apaisa et les témoins furent étonnés d'une délivrance si miraculeuse.

  La reine reconnaissante envoya au sanctuaire "un navire d'argent pesant six vingt dix marcs".

 

 

18. La foi du marchand "pourpointier"

 

  Un marchand de Paris avait un fils de 14 ans paralysé. L'enfant contrefait avait le dos voûté, il ne pouvait marcher, de plus, il était muet. Entendant raconter les miracles que faisaient Notre Dame de Liesse, le père résolut de lui amener son fils. Courageusement, bravant la fatigue, la difficulté des mauvais chemins, les intempéries, il plaça l'infirme sur une chaise, l'y attacha avec des courroies, et chargeant ce fardeau sur ses robustes épaules se mit en route. Le soir de son arrivée à Liesse, il déposa l'adolescent aux pieds de la Vierge miraculeuse, la suppliant de lui rendre la santé.

  Combien de temps prolongea-t-il sa prière ? Neuf jours ! S'il s'était arrêté le huitième jour, son fils n'eût pas été guéri. Le père supplia, insista, fut exaucé. Le malade se mit à bégayer et à marcher. "Bientôt, le père et le fils retournaient à pied à Paris, d'où ils envoyaient à Liesse une attestation signée par vingt-quatre personnes, ayant vu l'enfant avant et après son pèlerinage.

 

 

19. "Le missionnaire pistolique"

 

  Le Seigneur Antoine de Croy, partisan acharné du Calvinisme, résidait à Montcornet, non loin de Liesse. Comme ce fanatique n'opérait qu'à coup de pistoles, on le surnomma bientôt "le missionnaire pistolique". Rapidement, ses troupes arrivèrent à Liesse, affolant les habitants. Il se dirigea vers le sanctuaire. La belle statue de Notre Dame dressée au-dessus du portail fut brisée. Brisées aussi les statues de la chapelle sainte, lacérés les tableaux, démolies les boiseries, arrachés les ornements et les ex-voto. Si, grâce au ciel, la vénérée Madone miraculeuse fut épargnée, c'est qu'elle avait été cachée à temps.

  On devine la douleur des serviteurs de la Vierge en voyant mutiler son saint sanctuaire. Il faut, se dirent-ils, demander pardon, supplier Notre Dame d'avoir pitié de nous. C'est ainsi que fut créée la confrérie des Pénitents.

 

 

20. Les processions blanches

 

  On se souvient que la petite Acarie, vêtue de blanc avait été conduite par sa mère à Liesse en 1572.

  Des vêtements blancs, symbolisant la pureté immaculée de la Sainte Vierge, furent adoptés par la Confrérie des Pénitents. Hommes, femmes, enfants portaient un habit de grosse toile blanche assez semblable à l'aube dont se revêt le prêtre pour la messe. Une corde blanche servait de ceinture. Un capuchon blanc aussi, pointe en l'air, percé de deux trous à l'endroit des yeux, couvrait complètement la nuque, le visage, le cou. Les pénitents marchaient pieds nus. C'est dans cet accoutrement, prescrit d'ailleurs par Henri III, qu'ils arrivaient en files innombrables, tenant en mains une petite croix et récitant les litanies. Le Saint Sacrement était porté sous un dais triomphal et toute la foule de pèlerins suivait. A certains jours, l'on compta jusqu'à trente processions venues de différents côtés : SOISSONS, Meaux, Picardie, etc.... Une fois, il y eût d'un seul coup 10 000 Ardennais. C'est que, aux heures pénibles de notre histoire nationale, la Madone restait notre seul espoir et les Français se tournaient vers Elle avec une confiance sans limites.

  Enfin, l'Edit de Nantes 1598 rendit au pays la tranquillité. On remit la chapelle en état, une nouvelle statue prit au portail la place de l'ancienne. Au-dessus, une inscription disait : "Jadis, une de tes images fut détruite ici même, le Chapitre replace celle-ci et l'Evêque te l'offre, ô ! Vierge Marie".

  Voici venir les jours les plus lugubres de notre histoire. En 1790, Liesse vit la fête de la Fédération. Une messe en plein air avec la foule, fut suivie de force discours. On y prononça bien le nom de Dieu, mais plus encore celui de liberté. Malheureusement la liberté, entendue à la façon des révolutionnaires, n'était pas la douce liberté enseignée dans l'Évangile, elle signifiait tout au contraire : spoliation, déchristianisation, lutte entre les citoyens.

  Dans la chapelle de Liesse, comme dans toutes les églises, les richesses furent confisquées : objets sacrés portés à la monnaie, vêtements sacerdotaux arrachés, tableaux jetés au feu, celui de Louis XIII échappa au pillage. Les cloches furent fondues. Chose à peine croyable, la Vierge miraculeuse trônait, désolée, solitaire, sur l'autel, et pas un chrétien n'avait osé s'en emparer pour la cacher. La frayeur faisait perdre la tête aux plus courageux.

 

 

21. En 1794, l'abominable sacrilège

 

  Hélas ! Hélas ! Il se trouva des misérables qui, ne craignant rien, conçurent le plan diabolique de s'emparer de la statue vénérée et de la détruire. Oui, vraiment, il eût mieux valu pour ceux-là n'être jamais nés, plutôt que de concevoir et d'exécuter pareil forfait. L'auteur principal de cette profanation, Lenoir, était boulanger en même temps que porte-drapeau de la corporation des pompiers. Cet homme était un révolutionnaire avancé. Avec deux complices, Grimpé et Brisset, il demanda au sacristain les clés de l'église, celui-ci eut la lâcheté de les lui abandonner. Les trois révolutionnaires pénétrèrent dans le sanctuaire par l'entrée principale, à l'aide d'une échelle, ils s'emparèrent de la statue et Lenoir la mit dans un sac. Ceci fait, tous sortirent à droite, par la porte au fond du sanctuaire, et entrèrent chez le boulanger. Ensemble ils se demandèrent comment ils détruiraient la Madone. Lenoir proposa de la brûler dans son four. Ainsi fut fait.

  Bientôt un petit tas de cendres était tout ce qui restait de cet insigne relique.

  Témoin de ce fait, M. Blat le racontait soixante ans plus tard au curé de Liesse. Tout enfant à l'époque de la révolution, il ne pouvait rien pour sauver le trésor. Au moins recueillit-il les cendres dans plusieurs petits paquets.

  Quant aux révolutionnaires, ils se félicitaient d'avoir réduit en cendres "l'idole devant laquelle depuis 700 ans s'inclinaient les peuples et les tyrans et d'avoir voué pour toujours au culte de la raison le temple où elle était déposée", ainsi qu'en témoigne une pièce cotée aux Archives Nationales à Paris .

  A peu près vers le même temps que s'accomplissait ce sacrilège, M. Dantheny, le trésorier de Notre Dame de Liesse, "après avoir embrassé son bourreau", montait à l'échafaud dressé sur la place de Laon. Vers le sanctuaire où tout son cœur était resté attaché, il se tourna, dit-on, avec un indicible amour, comme "pour emporter de ce monde dans les splendeurs de l'éternité le meilleur et le plus doux souvenir de sa vie".

  D'autres admirables prêtres, tels les Abbés Billaudel, exilés pour leur foi, mais rentrés en France clandestinement, entretenaient le culte de Notre Dame de Liesse. Grâce à eux, on vénérait en cachette une pauvre statuette de Notre Dame, en plâtre verni. Connue des seuls fidèles en qui l'on pouvait avoir confiance absolue, elle recevait leurs hommages et leurs supplications. Et même, on venait l'honorer des bourgades voisines, tant et si bien que, fort probablement à la suite de quelque imprudence, des dénonciations furent adressées aux "patriotes". Mais les recherches de ceux-ci n'aboutirent pas.

  La Madone de Liesse soutenait le courage de ses enfants. Chose merveilleuse vraiment, que l'on ne peut qu'attribuer à Marie : "En plein désarroi, alors qu'ils sentaient traqués par la police et ne pouvaient rester plus de douze heures au même endroit, ces émules des missionnaires ramenèrent des catholiques égarés, ils réunirent autour d'eux des enfants et des jeunes gens dans le but de leur faire entrevoir l'honneur du sacerdoce. Cette confiance magnifique fut bénie de la Vierge. Le petit séminaire de Liesse, installé à côté de l'église est là pour l'attester."

  Enfin, un rayon d'espérance traversa ces jours de ténèbres. La Vierge tint enfin sous son talon vainqueur la tête du serpent. Le Concordat fut signé. Les prêtres sortirent de leur cachette et, à Pâques 1802, le culte catholique était rétabli.

 

 

22. Après la Révolution

 

  Tout n'était en France que deuils et ruines. Les familles disséminées, exilées, se reconstituaient peu à peu, mais combien de leurs membres ne répondirent pas à l'appel ! Combien avaient péri sur l'échafaud, ou dans les prisons, ou en exil, de misère ou de douleur ! Tout était à refaire dans le pays. Les monastères étaient vidés de leurs religieux. Les églises se trouvaient dans un état lamentable.

  Du sanctuaire de Liesse, il ne restait guère que les murs, la place de la statue miraculeuse était lamentablement vide. C'était navrant.

  Les Liessois ne perdirent pas courage. Leur statuette de plâtre était vraiment trop misérable pour trôner sur l'autel. Ils en placèrent une autre, plus grande, revêtue "d'une robe éclatante, et parée de mille joyaux". Ils placèrent sous les pieds de la Vierge les cendres de l'image primitive. Ils restaurèrent la chapelle, rétablirent autels, boiseries et l'ex-voto de Louis XIII. L'église retrouva ses offices, ses fêtes, ses joyeuses solennités, ses longs et pieux défilés de pèlerins. Marie, rentrée dans son domaine séculaire, y régna comme jadis, souriante et miséricordieuse. Les beaux jours d'autrefois renaissaient.

  Nous savons par un document précieux, que des guérisons, des conversions, des grâces de toutes sortes s'épanchaient sur les pèlerins. Un paralytique venu à Liesse se redressa subitement après avoir langui 18 ans. Un jeune homme muet depuis 10 ans retrouva la parole. Un enfant de Bazeilles (Ardennes) aveugle pendant 3 ans recouvra soudain la vue...

 

 

23. Le couronnement de Notre Dame de Liesse, 18 août 1857

 

  Monseigneur de Garsignies, évêque de SOISSONS, aimait beaucoup Notre Dame de Liesse et ne manquait aucune occasion de le lui témoigner. C'est lui qui, le 28 octobre 1851, confia le sanctuaire et l'organisation des pèlerinages aux Pères de la Compagnie de Jésus.

  Le pieux évêque désirait beaucoup voir couronner Notre Dame de Liesse, il s'en ouvrit à Pie IX et son désir fut agréé. Le couronnement fut décidé pour le 18 août 1857.

  L'ouverture du triduum préparatoire fut annoncée par une cloche offerte par Napoléon III à cette intention. Leurs joyeuses volées se répandirent jusqu'aux extrémités de la paroisse, présage de grâces et des bénédictions du ciel.

  De véritables armées de pèlerins envahirent de leurs masses pacifiques le petit bourg paisible et tous les alentours. Dans une immense prairie, une estrade dressée permit à 30 000 assistants de suivre la cérémonie.

  Une nouvelle statue de Notre Dame de Liesse, celle-là même placée actuellement sur l'autel, représentant la Vierge assise tenant son Fils fut portée solennellement au lieu de son triomphe, encensée sur le parcours par une foule d'enfants de chœur, et précédée d'un peloton de cavalerie. Huit cents prêtres en surplis, cinquante chanoines lui faisaient cortège. Un tonnerre d'acclamations l'accompagnait sur la voie glorieuse, les petits enfants juchés sur le dos de leurs parents tendaient vers Elle leurs mais frémissantes. Ils regardaient curieusement les chevaliers du XII° siècle, vêtus d'une tunique courte, les jambes enfermées dans de hautes chaussures, la tête couverte d'un casque ruisselant de Soleil. Son altesse le prince de Monaco, le préfet de l'Aisne, le maire, les autorités civiles et militaires suivaient recueillis. Enfin, fermant le cortège, des cavaliers superbes montés sur d'élégants chevaux.

  Monseigneur de Garsignies couronna l'Enfant Jésus et sa Mère. Ce fut pour ce dévot de Notre Dame de Liesse une joie immense que rien ne peut exprimer. Depuis tant d'années il ne vivait que pour ce jour. Après avoir posé sur la tête de la Reine des Cieux, ce diadème d'or et de perles, il s'agenouilla et dit : "O Vierge Marie, puisse votre Fils nous couronner là-haut de gloire, comme aujourd'hui nos mains vous couronnent ici-bas ! ". Puis, il consacra le diocèse, et le maire offrit à la Vierge un cierge.

  Un jubilé, accordé par Pie IX aux habitants de Liesse devait clore ces inoubliables fêtes.

  24. Le culte de Notre Dame de Liesse se répand dans le monde

  L'apothéose du 18 août 1857 porta la gloire de Notre Dame de Liesse bien au-delà de la France, et jusqu'en Amérique, au Japon, en Chine, à Ceylan, et à plusieurs endroits de l'Afrique : Kabara, Grimari dans l'Oubangui (République Centrafricaine), au Gabon, à Betsiléo, à Madagascar. L'origine de chacun de ces lieux de pèlerinages serait émouvante à raconter, le petit nombre de pages dont on dispose dans cette brochure ne permet pas de s'étendre.

  Naturellement, ce fut surtout en France que l'élan vers Notre Dame de Liesse, donnée par ces fêtes de 1857, multiplia les pèlerinages de la contrée. L'église trop petite fut décidément agrandie : deux portes latérales furent ouvertes, huit chapelles construites. En neuf ans, de 1873 à 1882, on compta 400000 pèlerins. Le cinquantenaire du couronnement amena de nouvelles fêtes et en 1910, Pie X accorda une messe et un office propre au sanctuaire qui reçut le titre de Basilique mineure. Un pèlerinage de3 000 hommes fêta cet heureux événement.

 

 

25. Liesse pendant la guerre de 1014-1918

 

  Hélas ! voici la guerre, l'horrible guerre, amenant avec elle les pires douleurs. Les enfants soulevés dans les bras vigoureux de leur père et de leurs grands frères sont embrassés avec une tendresse qui les émeut. Les mères pleurent. Il ne se trouve guère de famille qui n'ait quelques membres partis au front. Quand reviendront-ils... si même ils reviennent !

  Le 1er septembre 1914 l'ennemi entre à Liesse semant la terreur et l'angoisse. Une barrière de feu sépare plus radicalement encore les "partis" et les "restés". Plus de lettres des soldats. A cette mortelle inquiétude, s'ajoute, pour les malheureux occupés les tentatives de l'ennemi pour les décourager : mauvaises nouvelles inventées, réquisitions, perquisitions, otages, travaux forcés.

  Que vont devenir les infortunés Liessois ?

  Ils assaillent dans son sanctuaire la Mère de miséricorde, lui confient leurs soldats, et plus encore leur pays. Ils ne doutent pas de la victoire. La Madone voit s'agenouiller à ses pieds vieillards, femmes, enfants restés au foyer. Elle voit verser bien des larmes, entend bien des promesses. Les enfants regardent tristement autour d'eux, ne comprenant qu'à demi ce qui se passe. Ils comprennent cependant que Notre Dame de Liesse est puissante et bonne, de tout leur cœur naïf et innocent, ils la supplient de rendre la joie à leur maman en lui ramenant leur père, de ramener la joie au pays en boutant dehors l'ennemi.

  La Basilique souffrit à sa manière. Ses murs, témoins des cérémonies chrétiennes si pieuses et si émouvantes, retentirent des concerts "ordonnés pour soutenir le moral des troupes allemandes". Son pavé, où s'agenouillèrent des millions de pèlerins, fut transformé en dortoir pour les soldats ennemis. Ainsi que les métaux chez l'habitant, les tuyaux des orgues et quatre cloches furent transformés en munitions.

  Le bourdon de Napoléon III précipité du haut du clocher par une brèche faite dans le mur, tomba sans se briser sur la poutre et la paille préparées pour le recevoir. En dépit de ces tracasseries, Liesse tint bon. C'est que sa céleste Protectrice renouvelait chaque jour son courage, lui soufflait au cœur l'espérance.

  Enfin, arriva le jour inoubliable de la victoire et lorsque Notre Dame de Liesse vit revenir vers Elle les Liessois évacués, Elle entendit ce jour-là, le plus reconnaissant des mercis.

 

 

26. Après la victoire

 

  Chose étonnante ! Malgré les bombes et les projectiles qui quatre ans durant inondèrent le pays, détruisant des villes entières, la Basilique resta debout. Les vitraux brisés furent aussitôt remplacés, les dégâts réparés. Un peu plus tard, huit nouvelles cloches prenaient la place des anciennes et égrenaient sur la petite ville leurs notes d'allégresse. Un carillon porta bientôt leur nombre à trente.

  À peine l'armistice était-il signé que les pèlerins arrivaient à pied à travers les routes défoncées, faisant parfois jusqu'à 80 kilomètres.

  Bientôt, les voies de chemins de fer rétablies permirent aux foules de revenir nombreuses comme autrefois, et aux pèlerinages de s'organiser. En 1921, il en vint 23. L'évêque de SOISSONS, Monseigneur Binet, vint à Liesse mettre son diocèse sous le patronage de la Madone. Monseigneur partit de Soisson à pied, le soir, entouré d'anciens combattants, il traversa les champs de batailles entre Soisson et Laon, arriva à Liesse après avoir fait de nuit 48 kilomètres avec un cortège de 5 000 hommes.

  Chaque année, depuis, voit se reformer le pèlerinage des anciens combattants.

 

 

27. Le huitième centenaire (1934)

 

" Nos pères auraient voulu voir ce que nos yeux ont vu."

  Huit cents ans s'étaient écoulés depuis 1134. Liesse cité bénie entre toutes, avait reçu d'Ismérie la statue miraculeuse. Les autorités ecclésiastiques décidèrent de fêter dignement cet anniversaire.

  Bien avant la date fixée, on prépara ce huitième centenaire qui devait coïncider avec le III° congrès marial national.

  Avec les fêtes religieuses, le Congrès d'Etudes mit au point un cortège historique dont la seule préparation demanda deux ans de travail. La relation de ces fêtes a rempli de gros volumes. Elles furent rehaussées par la présence du légat du pape, car Pie XI avait dit : "Nous aussi, nous serons en liesse".

  Nous mentionnerons surtout ici l'inoubliable journée des enfants, dont se souviennent certainement les plus grands de ceux qui lisent ces lignes. Si 10000 croisés purent participer à la fête, 100 000 contribuèrent à sa splendeur par leur trésor spirituel.

  Le Jeudi 19 juillet, par une belle matinée ensoleillée, trains, autocars, voitures amènent, dans la vaste prairie prolongeant la place Bailly, l'armée pacifique et immaculée des garçonnets et fillettes. Par rangs de 10 et carrés de 100, divisés par des allées de gazon vert, ils entourent l'autel dominé par la statue miraculeuse. Ils entendent la messe et le Légat, aidé d'une dizaine de prêtres, leur distribua la sainte communion.

  A dix heures, encadrés par 20 000 personnes, ces pieux enfants assistent à la messe pontificale. Le moment est venu pour eux d'offrir à la Vierge leur hommage. Porte drapeaux de la C.E. chefs de file, se massent autour du cardinal et forment un tableau charmant. "Le R.P. Boutry donne le saint palmarès de la Croisade".

  Qu'ils sont heureux ces chers enfants ! Oh, ils ne regrettent pas leurs sacrifices, les efforts faits pour obéir, travailler, se lever le matin pour communier. Aujourd'hui, la Vierge Marie leur sourit, les remercie à sa manière e les comblant de grâces. 

  N'a-t-Elle pas parlé au cœur de quelques-uns uns ce matin-là ? Ne leur a-t-Elle pas suggéré tout bas : "Veux-tu venir à la suite de mon Fils ? Si tu le veux, je ferai de toi un sauveur d'âmes". Ce sont là de doux secrets que seuls connaissent la divine Mère et ses enfants privilégiés.

  L'après-midi, la statue descendue de l'autel est placée sur un char merveilleusement fleuri, suivi du Légat et de sa cour. Il s'achemine vers la cathédrale de Laon. Une foule innombrable monte avec lui. De nombreux trains, des centaines d'autocars, un nombre incalculable d'autos particulières l'y rejoignent. Les Croisés, vrais petits soldats, s'y rendent à pied en un défilé superbe. D'un pas ferme, ces blanches cohortes, soutenues par les chanteurs relais et haut-parleurs, agitent leurs palmes en cadence. Une heure et demie, à travers les rues décorées et les arcs de triomphe, ils défileront acclamés par des spectateurs émerveillés.

  Un salut solennel clôture cette journée. Le soir, la cathédrale perchée sur la colline s'embrase sous des faisceaux de lumière, répandant sur les alentours les joies de Celle qui nous donna la Lumière sans déclin.

  Un nombre considérable de familles chrétiennes envoyèrent à Liesse un de leurs membres les représenter près de la Sainte Vierge. Les mères voulaient honorer Celle qui fut le modèle et la patronne des mamans, qui, comme elles, travailla, souffrit, peina et connut les joies de la famille. Les pères voulaient lui confier leur vie professionnelle et l'avenir de leurs enfants.

  La statue devait être ramenée à Liesse pour les fêtes du dimanche. Au lieu de la rapporter de Laon à Liesse directement, on la fit passer par Eppes, qui avait sollicité l'honneur de posséder aussi la Madone miraculeuse.

  Le soir du samedi, les cloches de la cathédrale sonnent à toute volée. Sur la place du Parvis, la foule attend, maintenue par un barrage de scouts. Notre dame quitte Laon, portée triomphalement sur un brancard par les prêtres en habit de chœur, suivie de la foule qui acclame sa Reine et lui chante des cantiques.

  A mi-route du village, un char attend la statue. Une jeune fille représentant Ismérie, trois jeunes gens figurant les Seigneurs d'Eppes s'installent dans le char, près de la Madone. Oui, vraiment, la Vierge de Liesse ne pouvait entrer à Eppes sans être escortée de la princesse et des chevaliers qui l'y avaient apportée.

  Le cortège arrive au bourg, décoré, fleuri. Les fenêtres illuminées piquent l'obscurité de la nuit de mille étoiles. On installe la statue sur un reposoir garni de glycines et de roses et tous l'acclament, le maire en tête.

  Tard dans la nuit, la statue est déposée dans la petite église. La veillée mariale commence. Jusqu'au matin les jeunes gens monteront la garde devant la Vierge des antiques chevaliers.

  Les fêtes mariales se prolongèrent jusqu'au 22 juillet, chaque jour apportant son hommage spécial à Notre Dame de Liesse, congrégations d'hommes, de jeunes gens, de jeunes filles, séances d'études, offices dans la cathédrale, se succédèrent sans arrêt Pendant ce temps la Basilique de Liesse ne désemplissait pas.

  La journée triomphale fut celle du 22. Rappelons là brièvement. Au milieu d'une foule de plus de 120 000 personnes, la liturgie catholique déploie à la messe pontificale "les pompes et les splendeurs de ses rites."

  Sitôt la messe terminée, "la foule se précipite sur le chemin qui relie Liesse à Marchais" pour assister au défilé du cortège, exacte reconstitution de l'histoire de Notre Dame de Liesse.

  Précédés d'une petite armée de scouts et d'une délégation de soldats, 37 groupes défilent sous les yeux ravis des spectateurs. On voit tour à tour les prédicateurs des deux premières croisades, Pierre L'Ermite et saint Bernard, appelant les volontaires à la conquête du tombeau du Christ.

  Les trois prisonniers des musulmans emmenés au Sultan d'Egypte entouré de sa cour fastueuse. La princesse Ismérie conduite pour son baptême à la cathédrale de Laon, dans un magnifique char traîné par des bœufs blancs. La mère des chevaliers retrouvant ses fils en France. Enguerrand II et sa femme suppliant Notre Dame de Liesse de leur rendre leurs enfants volés.

  Viennent ensuite rois et reines qui depuis des siècles se sont agenouillés à Liesse : Louis VII, Charles VII, Louis XI, François 1er, Henri II etc.... Louis XIII et Anne d'Autriche, Henriette d'Angleterre portant son vaisseau d'argent, Louis XIV dans toute sa splendeur. Une scène exquise représente le marchand de Paris portant son enfant paralytique.

  Pour fermer la marche, un immense chœur de jeunes filles, palmes à la main, exécutent un chant triomphal à Notre Dame de Liesse. Elles Sont accompagnées par des trompettes thébaines.

  Enfin l'apothéose : le char triomphal ramène chez elle, dans sa bonne ville de Liesse, la Vierge Marie entourée d'enfants figurant les chœurs angéliques.

  Le soir arrive. Sous la clarté des fusées et des feux d'artifice, Liesse et Laon apparaissent dans l'obscurité comme des villes de lumière.